Reléguée au rôle d'arbitre ; en voilà une sacré veine ! Depuis ma petite altercation avec la vitre d'une des salles de bio survenue deux jours plus tôt, je n'avais pas eu le luxe de poser mes fesses sur autre chose que cette putain de chaise surélevée et pourtant, dieu sait que j'aurais tué pour faire autre chose que compter des points pendant deux heures. Si on ne me laissait pas dépenser mon énergie à mon aise par quel miracle pourrais-je ne plus faire de dégâts matériels ? That is the question ! Et le pire dans l'histoire, c'est que j'avais soixante à soixante-dix pour cents de chance de rentrer dans ma piaule avec le torticolis du millénaire.

- « Bon t'accouches ?! »

Le tout avec les apprentis tennismen du club c'était d'être doux et attentionné : tout à fait ma carrure. Après un court sourire de faux-cul à mon entraîneur qui me lançait un regard tout droit sortit des enfers, je reportais mon attention sur l'empoté qui essayait avec toute la volonté du monde de nous pondre un service mais qui, inlassablement, manquait la balle d'une bonne dizaine de centimètres. Pas croyable... J'étais en plein cauchemar. Expirant à pleine bouche, je laissais choir ma tête dans mes mains l'air complètement désespérée. J'aurais pensé que le club de tennis était fait pour moi, que mes années à en pratiquer me serviraient bien, mais je n'avais pas pris en compte le fait que Gyokuseki, dans certains couloirs, c'était plus « plouc-land » que Roland Garros.

Toujours à demi-cachée dans mes mains je relevais les yeux vers le terrain, où l'« entraîneur » avait accouru dans l'espoir de venir en aide à notre adorable petit binoclard. Impatiente, je regardais ma montre constatant avec lassitude qu'il ne s'était écoulé qu'une heure depuis mon arrivée sur le terrain. À y réfléchir, j'aurais dû faire comme une bonne partie de mes camarades : passer outre la séance d'aujourd'hui en raison des énormes nuages qui menaçaient de nous déverser leur flotte dessus d'un moment à l'autre... Même Chisato n'était pas de la partie ; ce qui était dommage en un sens : si elle avait été présente, j'aurais pu l'entraîner dans les vestiaires histoire de pratiquer une toute autre sorte de sport. Mais non ! J'étais coincée ici et autant dire que s'il se mettait à pleuvoir je serais la première au courant. Et comme si une communion spirituelle existait entre moi et le cosmos je sentis une petite goutte de pluie s'échouer sur ma main, rapidement suivie par ses jumelles. Enfin une bonne excuse pour se tirer ! Sans perdre un instant, je descendis de mon piédestal bien trop pressée de me débarrasser de ma troupe d'handicapés moteur ; heureusement il y avait deux ou trois mecs avec qui je m'entendais vraiment bien et qui remontaient le niveau de notre charmante équipe.

En tête de file, j'ouvris sans aucune douceur la porte du gymnase interrompant de ce fait les robins des bois des temps modernes. C'était quoi ces regards à la Natsuo qu'ils me sortaient tous là ? Rien que pour ça, j'avais envie de leur enfoncer leurs flèches d'amazones bien profondément dans un endroit spécifique de leurs parties intimes.

Une fois tous abrités, notre « entraîneur » nous fit signe de nous mettre sagement dans un coin pour ne pas déranger l'autre groupe, mais je fus momentanément distraite par une paire d'yeux chocolats que j'avais déjà eu l'occasion de croiser. Mesdames et messieurs, la sainte vierge Komari était parmi nous. À la vue de son air angélique, je ne pus m'empêcher de sourire pour lui faire comprendre à quel point j'avais envie de lui faire ravaler son aura de bonne soeur. Même avec un arc et des flèches dans la main elle me donnait la répugnante impression de sortir tout droit d'un monde gouverné par les petits poneys. Sans plus m'attarder sur elle et sur le message de « Dieu existe » qu'elle véhiculait, j'allais rejoindre les rares personnes que j'appréciais au sein de mon propre club. Ça ne ratait jamais : dès que je la croisais je me demandais ce que Hyun pouvait bien trouver à lui dire à celle-là. Il se confessait peut-être ? Chassant de ma tête toute pensée pouvant l'inclure, je rejoignis la conversation non sans la surveiller du coin de l'oeil (des fois qu'il lui prenne l'envie de finir chez Hadès pour avoir tenté de faire une brochette de Min Ah).

- « Excuse moi… euh… j’ai fait quelque chose de mal ? »

Lentement, je fis volte-face, me retrouvant nez à nez avec l'apparition « divine ». Oui ma grande : t'existes, ta tronche m'énerve et je tuerais pour voir ton joli minois finir dans les chiottes dégueulasses de Gyokuseki. Satisfaite ?

- « Jusqu'à maintenant, non. Mais là, tu pollues mon espace sonore. »

Inutile de lui préciser les vraies raisons du « pourquoi » elle m'inspirait un profond dégoût. Pure comme elle l'était, elle ne comprendrait pas les trois-quarts du vocabulaire que j'utiliserais pour lui faire comprendre pourquoi l'équation Inoue Komari + barrière électrifiée était l'un de mes grands fantasmes refoulés. Qui a dit qu'il fallait de bonnes raisons pour dire merde à la religion ?